Cycle de préservation de la cryonie

Le livre que je suis en train de lire est « Preserving Minds, Saving Lives » (Préserver les esprits, Sauver les vies), édité par « Alcor Life Extension Foundation », leader du domaine de la cryopréservation.

Dans cet article je partage avec vous mes notes de lecture.
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Le cycle de préservation de la cryonie

Vous pensiez que pour embarquer dans le voyage proposé par la cryonie, il suffisait de vous plonger dans de la glace pour assurer votre conservation pour l’éternité ? Faux ! Si c’était le cas, on se contenterait de vous creuser un trou dans la banquise et de vous y laisser quelques décennies voire siècles ! Cette solution bio serait économique et si simple à mettre en place. Les gens du futur n’auraient alors plus qu’à trouver votre emplacement afin de vous réanimer avec leurs super technologies !

Le processus de cryopréservation est en fait bien plus complexe que cela. Je dois bien admettre qu’il pose plus de défis que je ne l’avais imaginé.
Le livre comme à son habitude pondérée expose tous les enjeux du processus de cryopréservation. Le mystère se lève ; ceux qui liront cet article auront une idée de ce processus et du rationnel sur lequel il est établi.

Le cycle de la cryonie repose sur trois sous-cycles

  1. Le cycle « transport »
    C’est le cycle qui démarre dans le meilleur des cas en amont de la mort imminente du patient, et qui ira jusqu’à son arrivée à la société de cryopréservation choisie. C’est une étape critique qui doit démarrer le plus vite possible après la mort légale du patient. Tout délai augmentera les dommages subis par un organisme ne bénéficiant plus de circulation sanguine. Ainsi, une cryopréservation réussie dépendra de la promptitude et de l’efficacité des évènements consécutifs à la mort clinique du patient.
  2. Le cycle de préservation
    C’est l’objet de cet article ; le cycle durant lequel le patient sera mis en état de biostase, congelé ou vitrifié, « confortablement » installé pour les décennies ou siècles à venir, attendant d’être réanimé dans le meilleur des mondes !
  3. Le cycle de réanimation
    … aussi appelé cycle de ressuscitation. C’est l’étape la plus spéculative, qui se déroulera dans le futur, quand les technologies seront suffisamment avancées pour le permettre. Ce cycle fera l’objet d’un autre article.

Les trois phases du cycle de préservation

  1. La phase de lavage
    Durant cette phase, le patient est « lavé » de tout son sang. La raison de cela est que le sang coagule et va empêcher l’injection des agents d’antigel de la phase suivante. Une perfusion est donc effectuée avec une solution de base destinée à enlever le maximum de sang de tout le système circulatoire. Pour cela, les entreprises de cryopréservation utilisent des machines en circuit fermé chargées d’injecter par les artères fémorales les solutions de lavage.
  2. La phase d’injection d’un agent antigel
    Comme expliqué un peu plus bas, il est CRITIQUE de minimiser la formation de cristaux de glace pouvant endommager les tissus lors de la phase de congélation ou de vitrification. Un antigel est alors envoyé dans tout le système circulatoire afin d’en imbiber les organes.
  3. La phase de congélation ou de vitrification
    C’est cette phase qui est emblématique de la cryonie ; phase durant laquelle la température autour du patient est fortement abaissée dans le but de congeler ou vitrifier le patient pour le préserver des dommages du temps.

Les 2 méthodes de cryopréservation : congélation et vitrification

  1. Congélation
    Nous avons pour la plupart dans nos cuisines un congélateur utilisé pour préserver nos aliments. Depuis que j’en apprends sur la cryonie, je ne vois plus mon congélateur de la même manière ! Comme bien d’entre vous, je pensais que le processus de cryonie se résumait à abaisser la température autour d’un corps pour le préserver. J’ai sans doute été mal influencé par mes brocolis congelés dont j’ai pu lire lors de mes recherches internet « que la congélation ne nuisait aucunement à la valeur nutritive des aliments ». Est-ce valable aussi pour les corps humains ? Je ne me risquerai pas à tester, mais une chose est certaine… Si la congélation ne nuit pas à la valeur nutritive… elle a un effet dramatique sur la structure des tissus !

    Les pionniers de la cryonie ont d’ailleurs pratiqué la simple congélation en plongeant leurs patients décédés dans du nitrogène liquide capable d’atteindre une température de -196 degrés Celsius (plus froid que dans votre congélateur où il fait péniblement -18 degrés). Le zéro absolu, la température la plus basse qui puisse exister, se situe à −273,15 degrés Celsius.
    Une température basse a la vertu d’empêcher la prolifération de microorganismes, mais aussi celle de ralentir la vibration des molécules. Deux facteurs puissants participant de la dégradation des tissus, ainsi mitigés.   Les dégâts de la congélation Notre corps est constitué à 70 pour cent d’eau. La vie est de l’eau organisée. Cette eau infuse toutes nos cellules. Le problème, gros problème de la congélation, est qu’en dessous de 0 degré, cette eau se transforme en cristaux de glace solide qui endommagent les tissus vivants.
    D’abord, car ces cristaux forment des poches de glace au sein des tissus et qu’ils laissent des « trous » quand ils sont décongelés.
    Ensuite, et pire encore, parce que seule l’eau de nos cellules gèle et non le reste des constituants. Les cristaux de glace expulsent tous les éléments organiques qu’ils baignaient à l’état liquide et se forment HORS de l’emplacement original au sein de la cellule, désorganisant ainsi totalement la composition des tissus. Si cette congélation ne change pas le gout de vos brocolis et reste un moyen viable pour préserver les aliments… elle est totalement inapte à préserver un individu et la structure organique de son être, de sa personnalité, de ses souvenirs.
    Exit donc la congélation, même si les dégâts peuvent être mitigés par des antigels injectés dans le corps.
  2. La vitrification à la rescousse
    La vitrification est la transformation d’un liquide en solide par abaissement de la température… SANS formation de cristaux de glace !
    Cette solution pour la cryopréservation a été proposée par le Dr Gregory Fahy dans les années 80, mais ne s’est imposée que deux décennies plus tard.
    Il s’agit d’infuser l’organisme d’une solution d’antigel spécifique, et de descendre la température suffisamment rapidement pour atteindre la phase de vitrification sans que des cristaux de glace n’aient eu le temps de se former.

    Aux alentours de -120 degrés la mixture eau/antigel va devenir de plus en plus visqueuse jusqu’à se solidifier en verre. Contrairement au processus de formation de cristaux de glace, la solidification de la vitrification de l’eau ne se produit pas hors des cellules ; la structure des tissus est largement mieux préservée par la vitrification qu’elle ne l’est par la congélation. La vitrification immobilise les molécules et limite les changements chimiques.
    Les tissus ainsi vitrifiés et maintenus à température basse sont ainsi capables de résister aux ravages du temps bien plus efficacement que ne le permet la congélation.

    Si l’on vous donnait à voir un organe vitrifié, vous verriez l’organe ayant préservé sa couleur, dans une sorte de verre translucide compact, un peu comme un insecte emprisonné dans de l’ambre. Un organe congelé serait entouré d’une glace plus ou moins opaque, et aurait une apparence blanche, à cause des milliards de cristaux formés à partir de l’eau de toutes ses cellules. Un organe congelé à l’air de souffrir ; un organe vitrifié à l’air de se reposer.La vitrification est-elle donc une solution parfaite ? Loin de là. Le processus a ses inconvénients.

Effets toxiques des antigels

Le but des antigels est d’éviter la formation de cristaux de glace à basse température. Leur rôle est crucial quand on sait que nous sommes constitués d’eau à 70 %. Ils sont composés de véritables antigels chimiques, comme le glycérol, le propylène glycol, et le diméthylsulfoxide (DMSO).
Dans le processus de cryoprotection des cellules, le but est de remplacer une partie de l’eau par ces antigels, afin de parvenir à un état de vitrification sans congélation annexe.

On devine que remplacer l’eau des cellules par un antigel n’est pas sans effet. Il y a le stress purement mécanique de la pression exercée par l’injection de la solution d’antigel, et aussi un stress sur les constituants de la cellule, perturbés du remplacement de l’eau par l’antigel.
Les antigels ont évolué, mais ils demeurent le problème majeur de la cryopréservation. Si l’on pouvait cryoconserver des individus sans cristaux de glace comme c’est le cas grâce à la vitrification, et sans la toxicité des antigels, alors on aurait atteint un palier significatif de la phase de cryopréservation.

Craquements et fissures

Encore un autre problème induit par le processus de refroidissement… celui des fissures.

Imaginez une sphère remplie d’eau. Si vous la refroidissez rapidement en la plongeant dans du nitrogène liquide par exemple… vous risquez littéralement d’entendre un craquement sonore qui indiquera que le contenu de votre sphère s’est fissuré !

Ce phénomène est dû aux divergences de température entre les différentes zones du contenu de votre sphère : la partie extérieure, proche des parois refroidira plus vite que le centre de votre sphère, ce qui va créer des tensions, car un même élément n’a pas le même volume selon sa température : il aura tendance à se contracter à mesure que sa température baisse. Donc la contraction plus importante de l’extérieur du contenu de votre sphère va créer une tension qui va produire ce craquement témoignant de la création d’une fissure.
Vous l’avez malheureusement deviné… ce phénomène affecte également les corps humains soumis au processus de refroidissement radical, et ce même dans le cas de la vitrification.

Pour mitiger cet effet, les cryonistes vont éviter de refroidir les corps au-delà du strict nécessaire. Exit la baisse de température à -196 degrés Celsius comme le permet le nitrogène liquide. Les cryonistes vont jouer un jeu d’équilibriste, en abaissant la température pour que le processus de vitrification puisse avoir lieu, mais pas au-delà ! Cette zone de température intermédiaire est établie aux alentours de -120 degrés Celsius. Et ce en abaissant la température de manière plus lente afin de permettre une meilleure homogénéisation de la baisse de température des corps.
Cette zone de température intermédiaire permet de réduire les fractures, mais pas de les éviter.
Des cuves de stockage spécifiques sont utilisées pour contrôler avec précision le maintien de la zone de température intermédiaire.

A ce jour, et tant qu’il y aura des fractures, la cryonie doit compter sur un processus de réparation future pour assurer la viabilité de la phase de réanimation.

Pour finir sur une note un peu plus légère, sachez que la lecture de ce livre m’a permis de résoudre un problème personnel, qui n’a rien avoir avec un processus de refroidissement, mais au contraire tout avoir avec un problème de réchauffement. Cela pourrait vous servir également !

J’ai besoin de beaucoup de protéines pour le sport que je pratique qui est la musculation (à moyenne intensité….). Une excellente source de protéine est le blanc d’œuf. Je casse quelques œufs dans un bol tout en prenant soin de ne conserver que le blanc. J’avais pour habitude de mettre cette appétissante mixture au microonde à 600 watts pour une durée de deux minutes. Dans la plupart des cas au cours de ces deux minutes se produit une sorte d’explosion audible, et quand c’est le cas je sais que je vais devoir passer cinq minutes à nettoyer mon microonde dont les parois sont recouvertes de blanc d’œuf explosé. Cette explosion est un peu mon « craquement » à moi, et grâce à la lecture du livre j’en déduis la cause : j’imagine que la brutale augmentation de température crée diverses zones de tension de la mixture ainsi que la dilatation violente de bulles d’airs… ce qui occasionnerait ces “explosions”.

J’ai donc baissé la puissance de réchauffement du microonde à 180 watts (au lieu de 600) et augmenté la durée à six minutes… ce qui a sans doute pour effet une augmentation plus homogène de la température de mes blancs d’œufs. Résultat ? Plus d’explosion ! Merci la cryonie !

La phase de préservation est le texte plus technique du livre jusqu’alors. Le livre donne beaucoup plus de détails sur les antigels, la conservation à température intermédiaire, et je ne saurais trop vous conseiller de vous y plonger si vous voulez en savoir plus.
Ce qui ressort de cette partie du livre est que la cryonie a fortement évolué depuis ses débuts, qu’elle s’est perfectionnée, et que le pari cryoniste a plus que jamais de chance d’aboutir grâce à la vitrification.

Comme à son habitude intègre, le livre ne fait pas l’impasse sur les difficultés actuelle de la cryonie concernant la phase de préservation : toxicité des antigels et craquements sont des problèmes non résolus. Il va être intéressant, quand le livre abordera la phase de réanimation, de voir quelles sont les perspectives envisagées dans le futur pour mitiger ces problèmes actuels par une procédure de “réparation” préalable à la réanimation.

Mise à jour : Le livre étant une compilation d’articles parus à des dates divers, les chapitres ne sont pas nécessairement chronologiques. En 2006, Alcor est parvenue à cryopréserver sans fracture un neuropatient (cerveau uniquement) à une température de -134 degrés.


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