Cycle de ressuscitation de la cryonie

Le livre que je suis en train de lire est « Preserving Minds, Saving Lives » (Préserver les esprits, Sauver les vies), édité par « Alcor Life Extension Foundation », leader du domaine de la cryopréservation.

Dans cet article je partage avec vous mes notes de lecture.
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Cryonie: Le cycle de ressuscitation

Dans l’article précédent de mes notes de lecture, j’ai examiné la phase emblématique de cryopréservation durant laquelle la température autour du patient est abaissée afin de le congeler ou vitrifiér.
Nous avons constaté les inconvénients présentés par ces deux méthodes imparfaites, telles la création de fractures ou la perturbation des cellules par l’injection d’antigels censés empêcher la formation de cristaux de glace.

Dans cet article, nous allons nous pencher sur le cycle de ressuscitation de la cryonie.
C’est la phase la plus spéculative, car elle repose sur des technologies futures dont nous pouvons seulement entrevoir les prémices.

Le cycle de ressuscitation constitue donc le cycle au cours duquel le patient est ramené à la vie consciente des décennies, voire des siècles après avoir été plongé en biostase par la cryopréservation.
Le but pour le patient est de revenir à l’état de conscience le plus intègre possible muni de ses souvenirs, sa personnalité ; des constituants de son identité… qu’il puisse se réveiller en se souvenant de son ancienne vie tout en ayant la capacité d’apprécier les nouveaux horizons offerts par le monde du futur.

Un circuit fermé

Une précision me semble nécessaire concernant la notion immatérielle d’âme. Pour les cryonistes, l’être humain est un circuit fermé. Point d’âme immatériel, point de dépendance à un au-delà fantaisiste : ce que l’on désigne par l’âme ne peut être dissocié du substrat neuronal purement materiel du cerveau.
Si ce matériau peut être préservé et revivifié, alors la personne retrouvera son identité. Si ce matériau est endommagé au-delà du récupérable, alors la personne sera « cassée » pour de bon.

Certains d’entre vous sont réfractaires à cette considération du tout matériel et préfèrent imaginer la perpétuation de l’âme au-delà de la mort. Le paradigme cryoniste peut difficilement concilier cette conception plus romantique, car son but avoué est d’échapper à la mort ! Si il y avait réellement une vie après la mort à quoi bon s’évertuer vouloir absolument y échapper ? Inversement, si vous êtes convaincu qu’après il n’y a rien… ne vaudrait-il pas mieux tout tenter pour échapper au néant ?
Nous touchons au domaine de la métaphysique et des croyances personnelles, à chacun d’interroger sa vision des choses.

Nous sommes… de l’information

Une nouvelle fois, la cryonie remet en question la définition de la mort, puisque selon elle, l’état de mort actuel sera réversible dans le futur.
Ralph C. Merkle Ph.D. dans le chapitre « Cryonics, Cryptography and the Maximum Likelihood Estimation » pose le problème de manière pertinente en établissement une dichotomie entre la mort fonctionnelle, et la destruction (mort) de l’information.
Si dans le futur, quelqu’un meurt (cliniquement) à la suite d’une blessure corporelle ou d’un dysfonctionnement de son organisme, les technologies seront probablement suffisamment avancées pour remettre la machine en marche. À son réveil la personne sera toujours elle même.
Par contre, si la personne décède à la suite d’un évènement extérieur ou interne qui va endommager ses structures cérébrales ; les informations contenues dans le cerveau seront détruites à jamais et la personne ne sera plus jamais la même. Autrement dit, la seule et « vraie » mort du futur sera la démolition des informations cérébrales qui structurent votre identité.

Ce concept est fascinant.

Merkle établit un parallèle avec l’ordinateur. Tant que les informations stockées sur le disque dur (votre cerveau) de l’ordinateur sont préservées, il sera toujours possible de restaurer l’environnement informatique en changeant les pièces défectueuses même si elles ont été cassées à coup de marteau ! Par contre si vous plongez cet ordinateur et son disque dur dans l’acide, les informations du système seront détruites à jamais et l’ordinateur « mort » pour de bon !
La notion de vie et d’identité est donc étroitement corrélée à « l’information » stockée dans votre cerveau, et la mort irréversible du futur serait donc celle de l’information !

Une question émerge : l’identité est elle seulement constituée de la mémoire ?
Nos connaissances en matière de cerveau et d’identité sont encore loin d’avoir révélé tous leurs secrets. Les savoirs en la matière auront certainement largement progressé quand la technologie de réanimation sera arrivée à maturité.

Tout repose sur la nanotechnologie

N’y allons pas par quatre chemins… les espoirs de la cryonie en matière de réparation des dégâts tissulaires reposent quasi exclusivement sur la Nanotechnologie.

Nano, du grec, est l’échelle du milliardième de mètre, autrement dit l’échelle des atomes et molécules. La Nanotechnologie est donc une technologie à échelle nanoscopique. Au jour d’aujourd’hui, on peut trouver des matériaux et particules à l’échelle nanoscopique, et il est possible de manipuler les atomes individuellement grâce au un microscope à effet tunnel… Mais nous n’en sommes pas moins à la préhistoire des nanotechnologies.

La cryonie compte sur l’avènement de la nanotechnologie moléculaire, autrement dit la création et le contrôle de dispositifs, robots, à l’échelle moléculaire. Ces dispositifs auront la possibilité d’agir sur la matière atome par atome, molécule par molécule, et c’est par ce biais que la cryonie compte assurer la réparation des tissus.
À cette échelle, RIEN ne pourra échapper aux réparateurs moléculaires, et toute cellule pourra être reconstituée jusqu’à retrouver son état optimum et fonctionnel.

La puissance de calcul nécessaire pour cartographier un organisme au niveau cellulaire est considérable, et la cryonie table également sur les progrès informatiques phénoménaux attendus dans les décennies à venir.

La faisabilité de la nanotechnologie moléculaire, ses implications éthiques sont fortement débattues ; nous aurons l’occasion d’y revenir dans d’autres articles.

Le postulat de la nanotechnologie moléculaire est que si la nature est capable de le faire, alors non seulement nous serons en mesure de la reproduire, mais de l’améliorer à notre avantage. En effet, la vie regorge d’usines moléculaires, et les exemples foisonnants : prenez un arbre… sa croissance est le produit d’usines moléculaires utilisant les molécules (donc atomes) présentes dans le sol pour les recomposer en bois et feuilles. Si l’on pouvait observer la croissance d’un arbre (mais aussi d’un humain) au niveau atomique, nous verrions des atomes puisés dans l’eau et la terre, réorganisés afin de former cellules et autres tissus organiques selon un schéma génétique bien précis.

Ce qu’il faut réparer

Fractures

Dans l’article sur le cycle de préservation de la cryonie, je mentionnais les deux principaux dégâts occasionnés par le cycle de préservation, dont les fissures des corps soumis au processus de refroidissement. Si un patient cryogénisé était ramené à température ambiante, son corps serait fissuré en plusieurs endroits et tomberait en morceaux… pas très glamour et désespérant au vu des standards technologiques actuels.
Voyons comment la nanotechnologie pourrait pallier ce « modeste » problème…

Il s’agirait d’intercaler entre les deux faces de la fracture une couche très fine de nanomatériau qui « s’emboiterait » avec chacune d’elle afin d’empêcher leur écartement croissant à mesure que la température du corps est augmentée. Parvenu à un degré de température plus élevé du cycle de réanimation, il deviendrait possible de reprocher les deux faces de la fissure à l’aide de « chaines » nanoscopiques. Des dispositifs nanoscopiques seraient alors chargés de « souder » les deux faces au niveau atomique, puis de désagréger la couche de nanomatériau utilisée précédemment pour stabiliser la fracture.

C’est la description spéculative d’un procédé futur ; la manipulation de la matière à son échelle unitaire, l’atome, permettrait effectivement une précision de réparation absolue.

Cellules

Les dégâts cellulaires à réparer peuvent être conséquence de la décomposition naturelle suivant la mort clinique, de l’injection des antigels, ou encore de l’état maladif ayant précipité le décès du patient (Alzheimer, cancer…).
Les dispositifs nanoscopiques auront la tache d’évaluer l’état de chaque cellule pour ensuite appliquer la réparation adéquate.
Cela peut sembler totalement irréaliste à l’aune des moyens technologiques contemporains… il faut garder à l’esprit que ces solutions tablent sur des moyens technologiques disponibles dans des dizaines, voir des centaines d’années, quand nous serons en mesure de manipuler la matière au niveau atomique.

Pour vous donner une vision des réparations envisagées, voici quelques exemples :

Enlever les antigels

Il s’agit de restaurer corps ou cerveau à un état optimum, et pour cela, il faut les purger des antigels ayant servi à réduire la formation de cristaux de glace délétères.
De véritables excavateurs moléculaires sont envisagés, qui auraient pour tâche d’expurger par les systèmes capillaires toutes les molécules d’antigel. Cela en prenant grand soin de laisser les débris cellulaires destinés à être réimplantés ultérieurement.

Recomposer les cellules

Les antigels peuvent avoir endommagé les cellules par la pression avec laquelle ils sont injectés.
Cette pression mécanique provoque une désorganisation du matériau cellulaire et l’éparpillement de débris. Des dispositifs nanoscopiques auront la tâche de réinsérer ces débris au sein de la cellule. C’est le cas de protéines ou lipides qui seront réinsérés dans la membrane et le cytoplasme cellulaire.

Un centre de contrôle extérieur superviserait les opérations en temps réel et adapterait les tâches des dispositifs nanoscopiques selon l’augmentation progressive de la température du corps.

Archéologie et cryptographie neuronale

La réparation des cellules du cerveau pose un défi supplémentaire par rapport aux cellules des autres organes du corps. Car l’agencement des cellules cérébrales constitue une information. Notre mémoire par exemple est le produit de l’agencement et de l’interconnexion de nos neurones. Si cette structure devait être profondément altérée, cette information serait perdue à jamais, et toute la nanotechnologie du monde n’y pourrait rien.
C’est la une différente fondamentale avec les autres tissus composant notre corps, dont le rôle des cellules est plus fonctionnel que porteur d’information. Si l’os d’un membre est brisé par une fracture lors du cycle de cryopréservation, il suffit de rétablir l’intégrité des cellules osseuse, de réduire la fracture pour que le patient puisse recouvrer l’usage de son membre sans que son identité en soit altérée.
Il n’en sera pas de même si une partie de la structure neuronale supportant votre mémoire est altérée au-delà du récupérable : vos souvenirs, votre expérience seront évaporés pour de bon.

Que faire alors, si lors du cycle de réanimation, les nano robots réparateurs se heurtent à des zones d’information endommagées du cerveau ? Si tant est que ces zones abimées soient suffisamment circonscrites pour ne pas compromettre l’ensemble de l’identité de l’individu, de l’archéologie neuronale est envisagée ! Encore un concept théorique fascinant… l’archéologie neuronale, consiste à déduire des indices structuraux encore existants, la structure manquante de la mémoire disparue, et ce afin de la reconstituer !

Des algorithmes euristiques, issus du domaine de la cryptographie, sont imaginés afin de recréer de la manière la plus probable l’architecture neuronale disparue, parmi l’infinité de combinaisons possibles.

Au final le patient recouvrerait la mémoire de sa structure intacte, suppléée par une reconstruction aussi fidèle que possible des parties endommagées ! Un tel individu n’aura peut être pas recouvré sa mémoire à l’identique, mais suffisamment pour assurer la continuité entre son identité pré et post cryogénisation !

Réveil

Le patient purgé des antigels, réparé, soigné, ramené à un âge et des conditions physiques optimums serait alors ramené à une température corporelle physiologique. Le système corporel en parfait état de marche, il ne « resterait » plus qu’à initier la conscience pour un réveil en santé rayonnante.

Simple à relater, beaucoup plus difficile à réaliser. Il est aventureux d’écrire sur des technologies futures que nous n’avons pas les moyens de réaliser aujourd’hui, d’où le caractère spéculatif de cette phase du cycle de la cryonie.
Les spéculations ne sont cependant pas dénuées de tout fondement, et reposent sur des connaissances physiologiques actuelles et les prémices de technologies en développement. Je vous engage à lire le chapitre « Resuscitation of Cryonics Patients » du livre « Preserving Minds, Saving Lives » pour avoir plus de détails sur ce cycle passionnant.


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